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Trois enfants du siècle à Pleyel

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Paavo Järvi et l'OdP, bientôt en Asie !

Weber, Mendelssohn, Berlioz : trois insignes représentants du romantisme européen étaient à l’honneur à Pleyel ce jeudi 10 novembre. À la veille du grand départ de l’Orchestre de Paris pour l’Extrême-Orient (10 dates en Chine, au Japon et en Corée du Sud), Paavo Järvi fait réviser leur XIXe siècle à ses instrumentistes parisiens et propose au public un programme très séduisant, qui s’extirpe des méandres de la forêt romantique pour finir dans le sinistre cimetière du Songe d’une nuit de sabbat. Le cours de géographie romantique commençait ce soir avec l’ouverture du Freischütz de Weber, dont la renommée en France fut assurée par un de ses fervents admirateurs (et réorchestrateurs, accessoirement), Berlioz en personne. Pièce à ambiances, à personnages, à effets de théâtre, où l’Orchestre de Paris semble un peu en rodage. C’est fouillis par endroits, très enlevé à d’autres, et pas toujours très contrôlé dans l’introduction, où les quatre cornistes menés par André Cazalet donnent parfois l’impression de naviguer à vue. À l’inverse, la toujours somptueuse clarinette de Philippe Berrod campe parfaitement la figure de Max : splendide intervention forte, pavillon levé bien haut, comme un cri de douleur, par-dessus l’accompagnement aux cordes. Ces dernières sont par ailleurs un peu à la peine en ce début de concert, mais la soirée ne fait précisément que commencer…

Akiko Suwanai : une corde qui lâche, et même pas peur...

Récemment en récital à l’Auditorium du Louvre en compagnie de Nicolas Angelich, c’est au tour de la violoniste japonaise Akiko Suwanai d’entrer en scène pour un Concerto en mi mineur de Félix Mendelssohn. Bardé de prix prestigieux (Concours Tchaïkovsky (remporté à dix-huit ans – un record !), Reine-Elisabeth, Paganini), son CV impressionne. Son violon également. Comparativement à celui de Kavakos (1er prix au Concours Paganini, en 1988, alors que Suwanai finissait deuxième), la sonorité de la Japonaise paraîtra de prime abord moins chaleureuse que celle de son collègue, son style plus déclamé que chanté. Ce qui nous vaut un début d’Allegro molto appassionato presque austère, concentré , quoiqu’expressif (ça oui), tandis que Paavo Järvi fignole habilement son accompagnement orchestral. L’exposition se poursuit ; de son côté, Akiko Suwanai avance en force, presse la ligne de chant, l’étoufferait presque. Et c’est précisément au moment où une gentille routine commence à s’installer que le violon de la Japonaise choisit de se rebeller : une corde lâche au début du développement (« Et là, c’est le drame »). Stupeur dans la salle, sur scène. Moment de flottement, Suwanai échange son Stradivarius contre l’instrument d’Eiichi Chiiwara ; lui prend celui de Roland Daugareil qui s’improvise luthier avec une réactivité à la MacGyver (vous suivez ?). Sans se démonter, Suwanai s’adapte à son nouvel instrument, gomme les sonorités métalliques des aigus, et affronte la cadence avec lui avant de récupérer son Stradivarius au violon-minute. Pas le temps de souffler que l’Andante enchaîne. Là encore, on peut se demander si ce registre puissant de soprano lyrique convient à un concerto qui se contente le plus souvent d’une voix de colorature, mais ça n’en reste pas moins du très beau violon. On achèvera de s’en convaincre avec un Allegro non troppo plus sérieux qu’enjoué et, surtout, deux très beaux bis, parmi lesquels l’Andante de la Sonate n°2 en la mineur BWV 1003 de Jean-Sébastien Bach, joués pour un public conquis par cette leçon de professionalisme.

Encore plus traditionnelle, la seconde partie du concert était consacrée à la Symphonie Fantastique d’Hector Berlioz, mascotte de l’OdP depuis l’époque de Charles Munch et dans laquelle Järvi s’est révélé assez convaincant (avec en prime un festival de mimiques inédites). Les Rêveries initiales s’épanouissent tendrement, sculptées par une direction amoureuse, qui force les violons à phraser toujours plus délicatement leurs interventions. Mais bientôt l’idée fixe apparaît, et ça s’emballe : les cordes ont oublié leur méforme passagère du Freischütz. Järvi pratique la reprise des Passions (c’est rare), n’évite pas les tunnels mais amène ses troupes à bon port, après de drôles de « consolations religieuses », où c’est à se demander si le héros berliozien n’a pas déjà reçu l’extrême-onction ! La route est pourtant encore longue. Deuxième étape : une salle de bal richement pavoisée, où les couples (langoureux) préfèrent manifestement le flirt à la danse. Vient ensuite la Scène aux champs, pleine de surprises. Debout sur scène, le cor anglais appelle son homologue hautboïste caché quelque part dans la salle. Dialogue de deux pâtres dans une vallée, sur fond de trémolos : une merveille. Plus tard, le héros se retrouve coupable du meurtre de sa bien-aimée, l’occasion pour Paavo Järvi de dresser un passionnant tableau, pimenté par le basson de Giorgio Mandolesi qui chantonne l’espèce de ballade des pendus qui accompagne le héros jusqu’à l’échafaud. Joué attacca, le Songe d’une nuit de sabbat regorge de ricanements démoniaques à souhait et se conclut par des déflagrations de grosses caisses (vous avez bien lu, Berlioz en exigeait deux) qui ont soulevé le public d’enthousiasme. On n’a d’ailleurs pas de mal à croire que ce Berlioz intelligent saura se tailler un joli succès auprès des mélomanes asiatiques, car ici, on en redemande…

(Carl Maria von Weber : Ouverture du Freischütz ; Félix Mendelssohn : Concerto pour violon en mi mineur ; Hector Berlioz : Symphonie Fantastique ; Paavo Järvi, Akiko Suwanai, l’Orchestre de Paris ; Salle Pleyel, le 10/11/11)



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